David et Jonathan

Cette mobilisation a creusé le fossé, beaucoup ont été blessés»
3 mai 2013 à 22:36 (Mis à jour: 5 mai 2013 à 08:47)




Par BERNADETTE SAUVAGET
Libération

Patrick Sanguinetti est coprésident et porte-parole de David et Jonathan, «mouvement homosexuel chrétien ouvert à toutes et tous».

Y a-t-il eu un débat dans l’Eglise catholique sur la question du mariage pour tous ?


Cela a été notre grand cheval de bataille. Mais malheureusement, il n’y a pas eu d’écoute ni de débats. Les autorités ecclésiastiques, au moins catholiques, ont laissé croire qu’il y avait une uniformité de pensée à propos du mariage pour tous parmi les chrétiens. Systématiquement, elles ont caché que près de la moitié des catholiques étaient favorables au mariage civil pour les homos. La hiérarchie a peur d’ouvrir la boîte de Pandore et l’Eglise catholique ne sait plus écouter ni débattre.

A-t-on débattu à propos de l’homosexualité dans les paroisses, y a-t-il eu des prêches ?


À l’occasion de la journée mondiale contre l’homophobie, nous avions demandé à ce qu’il y ait une intention de prière à ce sujet mais il n’y a pas eu de suite. En fait, il y a une peur, un malaise de l’Eglise à l’égard de l’homosexualité et ce n’est pas nouveau.

Dans quel état d’esprit était, selon vous, les catholiques ?


Dans ma paroisse, j’ai été extrêmement surpris par le nombre de personnes qui m’ont posé des questions, prêtes à débattre. Les paroissiens ont reçu un courrier qui leur demandait d’écrire à leurs parlementaires pour leur faire part de leur opposition au mariage pour tous. Beaucoup m’ont dit leur étonnement. Ce que j’ai perçu chez eux, c’est surtout une volonté de comprendre et d’échanger. Et je le rappelle : dans les sondages, il y a toujours eu 50% des catholiques favorables au mariage civil pour les personnes homosexuelles.

Comment avez-vous vécu cette mobilisation massive des catholiques ?


Les manifs éteignent toute velléité de débat puisque chacun y va de ses slogans ! Depuis le début des grandes manifestations, plus personne ne se rencontre et il est de plus en plus difficile de discuter. En fait, cette mobilisation contre le mariage pour tous a creusé le fossé. Pour leur part, beaucoup d’homosexuels ont été blessés d’entendre certains slogans. Des mouvements, je pense notamment à Civitas, ont exacerbé les positions.

Quelle trace, selon vous, va laisser ce mouvement au sein du catholicisme ?


Nous traversons une période très difficile. A court terme, il nous faut réfléchir, avec les autorités ecclésiastiques, sur la façon de renouer le dialogue. Comment faire comprendre aussi à l’Eglise qu’elle doit enfin agir contre l’homophobie ? C’est une blessure. L’Eglise n’arrête pas de dire qu’elle aime les homos. Mais c’est seulement un discours. Concrètement, elle le dit quand, elle le dit où, comment le fait-elle savoir ? Si l’Eglise agissait concrètement contre l’homophobie, ce serait déjà un pas. Par exemple, y aura-t-il un jour une remise en cause de la décision de Benoît XVI prise en 2005 interdisant l’ordination des homosexuels ? L’Eglise catholique peut-elle s’engager à ne plus discriminer les homosexuels lors d’une embauche dans les établissements d’enseignement chrétien ? Peut-elle s’engager à condamner fermement tout acte homophobe ? Individuellement, certains ecclésiastiques ne tiennent pas le discours officiel. Mais la plupart sont «caporalisés» avec une impossibilité de sortir du discours officiel sans risquer d’être démis de leur fonction.

Qu’attendez-vous de l’Eglise ?


Nous attendons des actes concrets. Certains prêtres vont-ils, par exemple, un jour accepter de bénir les couples homosexuels ? Quand les autorités accepteront-elles de reconnaître l’amour existant entre deux personnes de même sexe ?