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 Emmanuel Hirsch, fin de vie

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MessageSujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie   Emmanuel Hirsch, fin de vie - Page 2 Icon_minitime08.11.19 11:19

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MessageSujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie   Emmanuel Hirsch, fin de vie - Page 2 Icon_minitime16.01.20 14:01

Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, Université Paris-Sud-Paris-Saclay, directeur de l’Espace de l’Espace national de réflexion éthique maladies neuro-dégénératives
Libération, 21 septembre 2018

Les représentations sociales de la maladie d’Alzheimer (et des maladies apparentées) contribuent pour beaucoup à l’isolement, au repli sur soi et à l’exclusion, aux discriminations mais également au sentiment de perte de dignité. Le modèle prôné de l’autonomisme, dans un contexte sociétal où l’individualisme et les performances personnelles sont valorisés, s’ajoute à l’expérience d’une disqualification éprouvée comme une « seconde peine » par ceux qui vivent une vulnérabilité d’autant plus accablante qu’elle accentue parfois leurs dépendances. Les répercussions sur les proches se caractérisent alors avec la sensation d’un envahissement de l’espace privé par une maladie qui contribue parfois à dénaturer les rapports interindividuels, à déstructurer l’équilibre familial, à précariser, ne serait-ce que du fait de réponses insuffisantes en termes de suivi au domicile ou d’accueil en structures de répit ou en établissement. C’est dire l’ampleur des défis qu’il convient de mieux comprendre.

Déconsidération et disqualification

La fragilisation des repères identitaires et temporels génère chez la personne malade une forme singulière d’inquiétude et/ou de honte sociale au regard de la perspective d’un déclin possible des capacités, et de ce qu’elle donne à voir alors qu’elle souhaiterait tant ne pas s’exposer à cet affront supplémentaire. Ces maladies sollicitent l’implication et la responsabilisation des proches d’une façon particulièrement intense dès les premiers symptômes et l’annonce du diagnostic. Les sentiments de négligence, d’abandon et de désespérance qu’ils éprouvent, eux-aussi, conduisent parfois à des situations dramatiques de renoncements, de précarisation, voire à des cas tragiques de rupture, parfois même de maltraitance.
Comment préserver un rapport à la vie face au cumul de renoncements, de pertes et de deuils qui affectent la personne malade et ses proches, bien souvent dans un contexte social fait d’incompréhension et de relégation ? Comment maintenir une relation, dès lors que les conditions mêmes de l’échange s’étiolent au point de se détourner de la parole et de renoncer à l’usage des mots pour tenter de dire ce qui ne sera plus compris ? Comment, pour un proche, accepter, dans l’impuissance à faire encore comprendre son amour et sa considération, l’incapacité d’épargner la personne de ce qui affecte son humanité même ? La souffrance provoquée par le sentiment de déconsidération et de disqualification devient insupportable, au point, parfois, d’avoir pour envie de renoncer à poursuivre ce combat à mains nues.

Adaptation aux réalités pratiques

Au-delà de ces quelques considérations, abordons des réalités pratiques : celles d’un quotidien entravé par toute sorte de contraintes qui génèrent des souffrances à en devenir insupportables. Ces maladies qui affectent le cerveau se caractérisent par une forme singulière de chronicité qui doit être prise en considération dans les dispositifs de notre système de santé et tout autant dans nos choix politiques. Certaines questions s’imposent à nous. Comment penser un parcours de soins tenant compte des besoins des personnes malades et de leurs proches, suffisamment adapté et réactif pour répondre à des situations évolutives et parfois urgentes ? Comment, dans ce contexte, faciliter la vie à domicile des personnes dans un contexte humain et social bienveillant ? Qu’en est-il de la poursuite d’une activité professionnelle, d’un projet de vie lorsque les premiers signes de la maladie se manifestent chez des personnes jeunes ? Par quels dispositifs maintenir la continuité de soutiens professionnels indispensables, en phase évoluée de la maladie, sans que le coût financier imparti aux familles accentue l’injustice ou incite à renoncer aux soins ? De quelle manière recourir aux nouvelles technologies susceptibles de compenser une progressive perte d’autonomie, de préserver une qualité de vie et de maintenir la personne dans un cadre de vie adapté à ses choix ainsi qu’à ses possibilités ?
Plus encore que les autres maladies chroniques, ces maladies doivent mobiliser la capacité d’une société à créer des solidarités, appelant ainsi à une approche du soin moins strictement médicale et curative que préventive, accompagnatrice et en mesure de préserver une qualité d’existence. La continuité des liens sociaux dans un contexte où la maladie peut affecter les facultés relationnelles de la personne, constitue un aspect majeur de l’attention que l’on doit à l’autre. À la mesure et au rythme des évolutions propres à la personne, en toute lucidité et de manière cohérente, la préoccupation consiste à reconnaître et à maintenir les capacités qui demeurent, les facultés qui, en dépit de leur progressive atténuation ou mieux de leur transformation, rendent encore possibles une évolution, un projet, aussi limitatifs soient-ils.

L’indispensable mobilisation

Il convient de mettre en œuvre un soutien soucieux du bien-être de la personne et donc d’une exigence de care respectueuse de son intégrité. Nos responsabilités en ce domaine concernent la préoccupation politique que l’on accorde aux besoins concrets de la personne malade et de ses proches dans son quotidien. À travers une indispensable mobilisation dont, à nos frontières, la Belgique, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne peuvent notamment s’enorgueillir, notre visée devrait lui permettre de « vivre avec la maladie » selon ses choix, reconnues dans ses préférences et ses droits, intégrée à la vie de la société, et ainsi réhabilitée dans une dignité et une confiance qui ne lui sont pas discutées.
Au moment où les plus hautes instances de l’État vont décider du devenir de notre système de santé et de l’adaptation de la société aux nouvelles de solidarités à l’égard du grand-âge et de la dépendance, évoquer de tels enjeux en termes d’exigence démocratique peut éclairer autrement les arbitrages.
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MessageSujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie   Emmanuel Hirsch, fin de vie - Page 2 Icon_minitime16.01.20 14:12

on évoque la dignité du patient pour ne pas faire allusion à celle du chercheur...
On n'a pas conscience de naître, pourquoi cette volonté absolue de vivre sa mort et donc de mourir avant d'être Alzheimer ?
pour échapper à des pseudo-dictateurs qui ont fait échouer une loi en janvier 2011 ?
le cerveau est le seul organe mystérieux, accessible directement si le patient est décédé ?
Vous m'aidez à mourir, et je vous donne mon cerveau ?
je mélange tout, comme c'est curieux... ... ...
Jean Léonetti et ceux et celles qui adhèrent à son lobby ont donné une idée aux angoissés de la sédation terminale sans bouffe ni flotte, la tentative de suicide de ses propres constantes biologiques ( pour réduire cette sédation profonde jusqu'au décès ).
Jean Léonetti ne pouvait pas et ne devait pas faire de compromis même s'il le voulait ?
Ont-ils deux salaires, les employés des soins palliatifs ? des dons, oui, et comme c'est bien dommage...
c'est choquant de se faire traiter pour un AVC au-delà d'un certain âge ( obstination thérapeutique déraisonnable ) et pourtant c'est à la mode !
Emmanuel Hirsch, vous touchez combien comme salaire ? si l'euthanasie et le suicide assisté sont légalisé, vous aurez peut-être moins... Vous cotisez pour mon AAH alors je devrais fermer ma tronche ? je suis IMC dystonique, rien que çà, juste çà.. On a raté ma naissance, alors j'ai peur de rater ma mort... ... ... Pourquoi j'ai fait ce site ? parce que j'avais un petit espoir de faire bouger les choses. Maintenant je n'attends plus rien, Jean Léonetti s'acharne beaucoup trop depuis des années et j'ai tout quitté, je me suis repliée sur moi-même et je pense que le néant après la mort est plus facile à vivre que le paradis, l'enfer ou la réincarnation.
Qu'elle est noble et digne, la manipulation du monde palliatif...
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MessageSujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie   Emmanuel Hirsch, fin de vie - Page 2 Icon_minitime02.02.20 15:48

Soins palliatifs: révélation d'une théorie du complot
SANTÉ - La quatrième de couverture du livre(1) ne peut qu'inciter à s'engager dans la lecture d'un ouvrage dont on nous promet beaucoup. En réalité, les propos de Philippe Bataille ne relèvent pas d'une étude de sociologue, mais nous ramène tout simplement à un pamphlet. On ne peut que déplorer de la part d'un éminent sociologue, l'incapacité à dominer un discours convenu et conformiste. Cela dénature les quelques arguments évoqués dans ce plaidoyer hâtif, pour ne pas dire sommaire, visant à disqualifier les soins palliatifs et à les ramener de manière caricaturale à une pratique condamnable.
Par
Emmanuel Hirsch
Professeur d'éthique médicale à l'Université Paris-Saclay
03/10/2012 07:09 CEST | Actualisé janvier 3, 2020
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SANTÉ - La quatrième de couverture du livre À la vie, à la mort(1) ne peut qu'inciter à s'engager dans la lecture d'un ouvrage dont on nous promet beaucoup:

"Philippe Bataille, sociologue, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, a mené une enquête pendant plusieurs années dans différentes unités de soins palliatifs en France, au plus près des malades, des mourants et de leurs proches. [...]"

S'ajoute à l'envie de découvrir cette réflexion, un entretien avec l'auteur publié dans Libération le 14 septembre 2012 au cours duquel il nous précise l'objet de sa recherche et mentionne, toutefois, que son investigation s'est avérée plus limitée dans le temps et, a priori, circonscrite à une unité de soins palliatifs (non identifiée):

"Depuis plusieurs années, je travaille au centre d'éthique clinique de l'hôpital Cochin où j'ai découvert, de l'intérieur, les contenus de plusieurs demandes d'aide active à mourir, y compris pour des enfants inconscients. J'ai aussi passé plusieurs mois dans un service de soins palliatifs. J'ai regardé, écouté, tout en me sentant confronté à ce qui était évident, apparent, mais que l'on ne voulait pas dire."


Philippe Bataille se propose ainsi non seulement de lever un grave malentendu mais plus encore de nous révéler une théorie du complot: celui que fomentent depuis des années, au cœur des réalités du soin, les professionnels et bénévoles des soins palliatifs. Ceux qui sont désignés sous sa plume comme les "palliativistes", une terminologie connotée qui semble leur révoquer toute dignité, idéologues d'un autre temps qui abuseraient d'un pouvoir arbitraire au mépris de la juste revendication d'une assistance médicalisée à la mort, du droit à l'euthanasie dont le sociologue affirme l'extrême urgence afin de conjurer une telle imposture.

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S'il est un malentendu à évoquer d'emblée (le sous-titre de l'ouvrage est Euthanasie: le grand malentendu) c'est que le propos ne relève pas d'une étude de sociologue, construite selon une méthodologie et une argumentation scientifiquement étayées, mais nous ramène tout simplement à un pamphlet, semblable à tant d'autres positions exprimées sous une forme ou une autre depuis des années.

On ne peut que déplorer de la part d'un éminent sociologue (dont les travaux consacrés aux personnes atteintes d'un cancer (2) constituent une si précieuse référence), l'incapacité à dominer un discours convenu et conformiste. Cela dénature les quelques arguments évoqués dans ce plaidoyer hâtif, pour ne pas dire sommaire, visant à disqualifier les soins palliatifs et à les ramener de manière caricaturale à une pratique condamnable, irrespectueuse des droits de la personne et n'ayant pour seul objectif que celui de mener un combat contre l'euthanasie: "Elle (la culture palliative) nait en combattant l'euthanasie médicale, comme elle affronte aujourd'hui la demande d'aider médicalement la mort, en fin de vie" (p. 38).*

Le livre de Philippe Bataille a certainement un grand mérite: celui d'avoir été rédigé et de constituer ainsi un témoignage révélateur des préoccupations très respectables de l'auteur. Toutefois sans véritable originalité, fait d'instantanés saisis au cours d'observations de terrain, brièvement commentés et conclus par des considérations définitives qui ne semblent pas appeler la moindre discussion. À la profondeur de l'analyse est préférée l'évocation imprécise, la saisie éphémère de moments happés au passage, l'effet de formule, alors que l'on pourrait tant attendre d'une investigation rigoureuse, d'échanges approfondis qui semblent refusés ou vains, de développements susceptibles de contribuer à notre compréhension. Car ce sociologue est assuré de son propos au point de n'être préoccupé que de ce qui serait susceptible de conforter son intime conviction, le reste important peu.

Ce cheminement à tâtons, au gré des rencontres et des impressions personnelles dans un univers pourtant complexe et difficilement réductible à un modèle unique (4), est significatif d'une démarche qui prétend apporter du discernement là où il ferait tant défaut. Faiblesse d'une entreprise essentiellement polémique, qui ne tente pas d'affronter les véritables enjeux pour leur préférer quelques réponses convenues et des sentences sans grande consistance. Cela explique probablement l'impact médiatique que devrait avoir cet écrit de circonstance (pour ne pas dire de combat) qui prétend exhiber des révélations, y compris dans des domaines difficiles et parfaitement connus (par exemple en réanimation néonatale ou en cancérologie) dont on sait la difficulté des réponses à leur apporter tant ils relèvent de situations spécifiques qui défient les systématismes. Ce livre s'insère sans équivoque dans le registre univoque des partisans d'une légalisation de l'euthanasie, sollicitant des anecdotes pathétiques, restituant des fragments d'existence qui ne peuvent que susciter l'attention et la compassion, mais en se gardant bien d'entreprendre le moindre approfondissement pour se limiter à une posture constamment critique au nom d'un moralisme qui ne se discute pas.

À quoi bon, dès lors, tenter de conférer à ce plaidoyer le statut d'une recherche en sciences humaines et sociales, si ce n'est pour conférer (à tort) une crédibilité, une légitimité scientifique à un simple texte d'opinion? Et je n'y verrais pour ma part que la juste contribution à un débat démocratique qui ne doit pas éviter la controverse et permettre ainsi à chacun d'exprimer utilement son point de vue. L'ouvrage de Philippe Bataille y trouverait du reste sa place, au même titre que d'autres prises de positions auxquelles j'accorde une grande attention pour autant qu'elles nous incitent à mieux cerner un domaine des plus sensibles et à prendre la mesure de la difficulté de décider, voire de légiférer là où convergent tant d'ambivalence et de considérations souvent contradictoires.

Cela étant, je ne peux qu'exprimer une grande réserve à l'égard de l'implacable réquisitoire dressé par Philippe Bataille, sans véritable argument pour convaincre, contre les soins palliatifs : "Le palliativisme entretient la confusion entre aide active à mourir et aide médicale à s'éteindre. Le consentement est contourné au point que le palliativisme s'en dispense ou dénie aux proches le droit de la faire valoir" (p. 121). Par ses excès mêmes (et ses outrances dans la mise en cause sans nuance de l'éthique des professionnels intervenant en soins palliatifs), l'auteur en arrive à décrédibiliser les quelques raisonnements qu'il s'efforce de produire.

Il en est de même pour sa présentation péjorative et dénaturée de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, ou dans l'évocation de l'Observatoire national sur la fin de vie "voulu par Jean Leonetti en 2011, (il) s'est emparé de la mission de développement de la culture palliative sur toutes les situations de fin de vie. Il n'a de cesse depuis de réaffirmer l'idéal médical du palliativisme" (p. 113). Là encore, l'affirmation péremptoire et sans la moindre référence qui la justifierait se suffit à elle-même, comme si le chercheur n'avait cure d'adosser ses énoncés à des données précises. Comme s'il convenait de déconsidérer, de révoquer, de disqualifier en fait ce que signifient ces conquêtes en termes de droits, de dignité et de respect, afin d'en conclure que la seule réponse concevable aux situations humaines si délicates et douloureuses lorsque la médecine est confrontée à ses limites, serait l'euthanasie. On en conviendra, la démonstration mériterait d'être quelque peu étoffée, ne serait-ce que pour témoigner un minimum de respect à ceux qui sont éprouvés par des circonstances qui sont bien éloignées des controverses pour intellectuels. Il est vrai que l'effort d'une argumentation pertinente est plus difficile à assumer qu'un discours ramené à quelques considérations dogmatiques.

Il se fait que depuis près de trente ans j'accompagne dans mon champ de compétence celles et ceux qui ont permis à la France de bénéficier (tardivement) de cette culture des soins palliatifs, celle qui horrifie tant Philippe Bataille. Depuis des années, à ma place et sans avoir la prétention de prescrire aux professionnels ce qu'il conviendrait de faire selon une conception de l'éthique dont je conteste l'ambition normative, je partage avec eux le difficile de dilemmes assumés avec une exigence et un souci de l'autre qui impressionnent.

Il ne me paraît dès lors pas acceptable de ramener leur sens profond du devoir d'humanité et des valeurs de la démocratie à cette indifférence quelque peu perverse, à cette idéologie de l'acharnement à la vie, malgré tout et contre tous, évoquée par Philippe Bataille en des phrases cinglantes et définitives. Les soins palliatifs se sont constitués dans les années 1980 (3) en opposition à des postures d'abandon, de négligence et d'inhumanité, en proposant une autre conception éthique de la responsabilité soignante, une relation différente à la personne malade et à ses proches. Autant d'avancées déterminantes dans un contexte biomédical souvent réfractaire, qui ont pour beaucoup contribué à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

C'est là où l'écrit de Philippe Bataille relève d'un grave malentendu, difficilement acceptable s'agissant d'une personnalité à ce point compétente en sociologie. Tout d'abord parce que ce livre ne dit rien (ou de manière fragmentaire et tendancieuse) de ce qu'est le quotidien d'une unité de soins palliatifs, la complexité d'histoires humaines singulières et de parcours dans la maladie très différents les uns des autres.

Rien de précis, de substantiel (au-delà de quelques anecdotes) des rencontres, des dialogues, des relations si particulières qui n'ont pas pour cadre exclusif un service dédié, mais qui interviennent dans d'autres contextes, y compris à domicile. Il ne dit rien de la mort solitaire, non accompagnée dans des institutions spécialisées ou des établissements d'hébergement pour personne âgées dépendantes, au service d'accueil des urgences (faute de lits disponibles dans les services spécialisés qui ont pourtant suivi pendant des années une personne), de ces personnes négligées au décours d'une complication, reléguées dans l'errance d'une fin de vie insupportable qui ne semble plus concerner qui que ce soit. Il ne dit rien en fait de ce qui se vit et s'assume d'essentiel dans l'indifférence générale (y compris de la part de nombre d'institutions), de ce qui se survit de si douloureux, de ce qui s'éprouve comme un défi, se partage simplement, humainement dans la sollicitude et la faiblesse d'un acte ultime et indispensable de solidarité. Il ne dit rien de ces paradoxes, de ces contradictions, de ces subtilités qui toujours échappent aux théories fugaces et requièrent une qualité d'attention et de discernement bien proche de la prudence et de l'humilité. Mais tous ces manquements volontaires, ces opacités, ces interprétations biaisées, constituent probablement le plus important enseignement tiré de la lecture d'u tel ouvrage. Car il révèle en creux l'urgence d'un questionnement d'autant plus justifié lorsque la tentative s'avère de ce point de vue si peu concluante faute d'avoir accepté, ne serait-ce qu'un instant, de prendre le risque d'une analyse en situation différente dans sa restitution d'un manifeste idéologique. On ne peut réduire les circonstances pour lesquelles certains prétendent détenir la bonne solution à la position si dérisoire du « pour ou contre l'euthanasie ». De tels enjeux sollicitent une autre maturité politique, une plus juste conscience de nos obligations en termes de solidarités concrètes. Il est d'une telle naïveté de prétendre aujourd'hui que cessera la mascarade et sera restaurée la dignité perdue d'une fin de vie humainement acceptable, simplement le jour où le législateur acceptera de légaliser l'euthanasie...

On l'aura compris, cette théorie du complot qui semble obséder Philippe Bataille au point de l'engager dans un militantisme à l'emporte pièce si peu convaincant, rend infiniment fragile une position qui tente, avant toute autre considération, de se légitimer en diabolisant ses adversaires. Ils sont ainsi ramenés, contre l'évidence même, à la condition de professionnels dévoyés, acharnés à imposer leurs principes au mépris des droits de la personne malade. De tels procès à charge ne peuvent qu'inciter à se demander quels mobiles provoquent une telle violence, un tel mépris, au nom d'une posture éthique dont on ne discerne en rien les fondements. La fin de vie d'une personne mérite mieux que cette rhétorique à seule visée polémique, ce qui explique mon extrême déception alors que j'attendais tant des observations d'un sociologue ainsi qu'elles nous étaient promises.

Le courage de François Hollande aura été de trouver, pour ce qui le concerne, les mots justes et la prudence nécessaire en annonçant le 17 juillet dernier la mise en place d'une mission présidentielle de réflexion sur la fin de vie. Nous attendons de cette initiative politique forte qu'elle nous permette de nous élever, cette fois enfin, au-delà des témoignages immédiats et des considérations idéologiques, afin d'envisager avec gravité, responsabilité et cohésion nos responsabilités démocratiques aux côtés de la personne qui va mourir.

____________________

(1) Philippe Bataille, À la vie, à la mort. Euthanasie : le grand malentendu, Paris, Autrement, 138 p.

(2) Un cancer et la vie. Les malades face à la maladie, Paris, Balland, 2003.

(3) M-H Salamagne, E. Hirsch, Accompagner jusqu'au bout de la vie, paris, Cerf, 1991,2012 (réédition).

(4) Fins de vie, éthique et société, E. Hirsch (Coll.), Toulouse, ères, 2012.
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MessageSujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie   Emmanuel Hirsch, fin de vie - Page 2 Icon_minitime24.02.20 21:03

Admin a écrit:
Vulnérabilités et fins de vie. Pr Emmanuel Hirsch, Professeur d’éthique médicale, Université Paris-Sud-Paris-Saclay

Pr Emmanuel Hirsch (1). Rencontre autour des soins palliatifs en Île-de-France. CRSA 5 octobre 2017.

« Les soins palliatifs nous éclairent sur les enjeux d’une médecine appelée à plus de discernement et d’humilité dans ses pratiques. Cette approche du soin, incite à découvrir d’autres expressions de la sollicitude et de l’accompagnement, respectueuses de la personne dans la plénitude de son exigence d’autonomie et de considération. »

La parole en ce qu’elle exprime de ce que nous sommes se situe au cœur de la démarche du soin palliatif : parole donnée, parole confiée, parole partagée jusqu’aux derniers mots, avant le silence. C’est par la parole d’un soignant qui dans les années 1980 a contribué en France à la genèse du mouvement des soins palliatifs, que j’introduirai ma brève intervention. Je souhaite rendre ainsi rendre hommage aux militants professionnels et associatifs qui, depuis des années, dans un contexte institutionnel et social en fait peu conscient de la valeurs de leurs engagements, défendent les principes de sollicitude, de solidarité et de responsabilité humaine dans le soin.

Leur présence au quotidien auprès de celles et de ceux qui éprouvent la vulnérabilité radicale d’une proximité avec la mort, constitue pour moi un acte politique d’une force exceptionnelle. Ils sont, pour certains d’entre eux, présents ce matin. Qu’ils considèrent cette rencontre organisée par la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA) d’Île-de-France comme l’expression de notre reconnaissance.

Ce que vous faites et important, nous y sommes attachés. Vous conférez une valeur, un sens et une dignité aux derniers instants d’une existence de femme ou d’homme, dans un contexte socio-politique à nouveau soucieux de légaliser demain un pratique de l’euthanasie.

Au cours d’un échange dans l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Paul Brousse à Villejuif, Michèle-Hélène Salamagne me confiait il y a quelques années :

« Dans la pratique des soins palliatifs, nous laissons venir la mort quand elle veut. Du moins, quand le malade veut bien laisser de la place pour qu’elle vienne… Il est ainsi admis que la médecine ne sera pas la plus forte : elle ne peut plus apporter la guérison, et se préoccupe désormais du confort global de la personne. Nul ne sait pourtant jamais s’il n’y aura pas des faux pas !

« Se maintenir dans la cohérence de l’accompagnement, avec parfois cette sollicitation qui peut surgir impromptue de l’interpellation d’un malade : « Pourquoi ne me tuez-vous pas ? », c’est assumer une tâche de chaque instant. Elle est faite, certes, d’immenses joies, d’agrandissements intérieurs, d’élévations réciproques, mais l’inquiétude demeure, le risque, la menace de l’imprévisible.

« Il n’est pas évident de se laisser questionner par un malade, par sa famille, par une dégradation physique, par le pronostic même des conditions d’une fin de vie. Cette personne trouvera-t-elle la paix ? Pour combien de temps encore notre relation sera-t-elle maintenue avec elle ? Est-ce que cela va bien se passer ? Que d’interrogations et jamais pratiquement d’assurances ! Et jusqu’au bout, même après le décès, on ne peut pas dire qu’on a bien fait notre travail ou que cette personne est morte confortablement, qu’on lui a apporté une certaine quiétude.

« Je suis pourtant persuadée que s’agissant de personnes pour lesquelles la fin de vie avec nous a été particulièrement compliquée, on ne peut pas dire pour autant qu’elles n’ont pas cheminé.

« En fait, il y a vraiment deux définitions du soin palliatif. Tout d’abord être là pour accompagner les derniers jours difficiles en fin de vie, et puis d’autre part construire de la vie à partir du moment où la guérison n’a plus de sens, ce qui procède d’approches à bien des égards différentes. J’adhère de toute évidence à la deuxième option. Mon rôle de médecin en soins palliatifs est lié à des stades de vie bien plus amples que le seul suivi des ultimes instants de l’existence. »

Sur le terrain le moins exposé aux convoitises des prouesses médicales, là où l’incapacité de guérir équivaut trop souvent encore au désistement et à l’abandon, certains professionnels et militants associatifs ont décidé de reconquérir et de réhabiliter des espaces voués au soin.

Si l’efficacité médicale trouve ses limites, les professionnels n’en sont que plus sollicités dans leur capacité à préserver les conditions d’un lien, d’une cohésion d’autant plus nécessaires lorsque la guérison s’avère incertaine ou impossible.

La force et la valeur de ce soin forment une sorte de promesse — se focaliser moins sur la mort à venir que sur les conditions de la vie, fût-elle ténue et fragile, qui la précède encore. Un signe ou un geste, un mot, un regard qui ne se détourne pas, repoussent la solitude quand le possible semble si pauvre. Reconnaître la douleur pour ce qu’elle est, accepter les formes multiples de la dignité en ces circonstances, voilà simplement des actes de vie qui justifient d’eux-mêmes, pour celui qui s’éloigne comme pour nous, d’être « encore là ».

Dans la relation tellement spécifique que constitue le soin palliatif, respecter l’autonomie de la personne relève essentiellement du sens et de la qualité du rapport interindividuel, de cette alliance complexe et évolutive qui ne peut jamais se satisfaire de notions théoriques. Il importe de préserver la liberté d’une initiative attentive à une demande qu’il est rarement possible d’honorer parfaitement. Qu’en est-il de ces idéaux, considérés comme seuls légitimes, qui incitent à la neutralité, à la distanciation, à une instrumentalisation de la relation de soin dans des situations où la personne éprouve, plus que tout, un besoin de reconnaissance et de considération ?

Dans le contexte d’une fin de vie médicalisée, l’autonomie renvoie bien souvent à la solitude d’une prise de décision assumée comme l’ultime affirmation d’une liberté. Mais nous sommes bien loin de la liberté, quand son expression même devient insoutenable, au point de se résoudre à ne plus pouvoir formuler qu’une demande de « mort médicalement assistée », ce qui précisément la révoque. Qu’est-ce qu’une parole dont la dernière expression revendique un acte abolissant son humanité même ? Réciproquement, quelle valeur attribuer à la mise en œuvre, sous certaines conditions, de protocoles visant à une mort anticipée, quand les principes invoqués font référence au respect de la personne dans la dignité de sa volonté ?

La valeur du soin prodigué à une personne atteinte d’une maladie incurable ou en fin de vie, risque désormais d’être moins reconnue que le souci d’envisager avec la rigueur et la minutie d’un protocole les conditions de sa sédation profonde et continue. Parce que ces actes de soin sont humbles, modestes et éphémères, la tendance est de leur préférer l’apparente robustesse de résolutions et de procédures définitives.

Le souci de prévenance et de disponibilité

Auprès d’une personne au terme de son existence, dans ces périodes incertaines, déroutantes, délicates, il importe de renforcer notre souci de prévenance et de disponibilité, de considérer avec prudence ce qui justifie et rend acceptables les décisions qui s’imposent encore, même si elles ne visent plus à la guérison. L’expression de cette sollicitude tient à la continuité d’une relation engagée, subtile, qu’il convient de confirmer lorsque le doute, l’inquiétude, la peur s’insinuent. Elle tient aussi aux signes de respect témoignés à la personne dans son histoire propre, ici et maintenant. Il convient de préserver la cohérence d’un soin à son service dans les choix et les besoins de son existence. Une même considération doit être accordée aux proches, eux aussi indispensables dans un environnement bienveillant.

Le rapport qui s’élabore avec la personne touche donc à cette part d’intimité et de discrétion qui engage à penser ensemble la vérité, le secret, la pudeur et le respect. Cela confère tant de valeur à l’engagement jusqu’à la phase ultime d’une vie. Le soin prend dès lors cette dimension de relation essentielle, unique, de vivant à vivant. Reconnaître l’autre dans sa liberté c’est aussi lui éviter la moindre contrainte, y compris celle de choix anticipés ou présents, auxquels il pourrait se sentir engagé, ne serait-ce que pour épargner à ses proches une confrontation douloureuse.

L’avancée dans la maladie se vit trop souvent comme une confrontation insupportable à l’approche de la mort, lorsque les présences rassurantes ont déserté. L’intense sensation d’une disqualification, relègue aux confins de l’existence dont l’ultime exigence s’exprime dans la politesse d’une « demande d’en finir ». Dès lors, en dépit de l’épuisement des mots, dans un fragile murmure la dernière parole est une supplique dont on veut encore croire qu’elle sera perçue comme un irrépressible besoin de contact, d’échange, d’humanité.

Les conditions du mourir à l’hôpital interrogent et interpellent la continuité des soins. Il nous faut concevoir les missions confiées aux soignants au-delà du seul souci de « tout mettre en œuvre pour guérir ». La prise en compte de la globalité et de l’unicité du soin, impose une nouvelle pensée des pratiques, y compris à leur marge. La mort était trop souvent reléguée, évitée, tant elle déroutait et contestait ceux qui estimaient encore tout pouvoir, y compris parfois dans l’excès d’un acharnement. Voilà que des alliances s’instaurent entre la personne malade et celui qui la soigne, afin de mieux assumer ensemble des valeurs partagées.

Se réapproprier un questionnement humain

Il est temps de reconnaître la signification politique d’un combat mené à bas bruit, avec pudeur et résolution, auprès de personnes hier trop souvent abandonnées à leur mort, dans la disgrâce d’une désertion médicale ou de la pose, à l’insu, de cocktails lytiques. Ce mouvement de « soins continus » et de « soins de confort » engagé dans la proximité d’un engagement jusqu’au seuil de la mort, permet de se réapproprier un questionnement humain et de l’assumer dans un contexte peu favorable à l’évocation de nos vulnérabilités.

Les soins palliatifs nous éclairent sur les enjeux d’une médecine appelée à plus de discernement et d’humilité dans ses pratiques. Cette approche du soin, incite à découvrir d’autres expressions de la sollicitude et de l’accompagnement, respectueuses de la personne dans la plénitude de son exigence d’autonomie et de considération.

C’est avec le témoignage d’un soignant que je conclurai mon propos. « Une patiente, effroyablement angoissée à l’idée de mourir, mais aussi à l’idée de vivre ce qu’elle appelle « sa déchéance » me confie : « Je n’ai jamais été aussi proche du suicide. » Entendant de la peur, je lui réponds :

« — Voudriez-vous que nous vous en protégions ?

— Oui !

— De quoi auriez-vous besoin ?

— Qu’on m’aime ! »

Cette relation aidante est porteuse de sens, quand elle est faite de respect et de considération, tels que la personne puisse se sentir encore importante pour quelqu’un et digne jusqu’au bout.

Un patient, les yeux souriants et apaisés après plusieurs semaines traversées de révolte, de haine et de chagrin, m’a confié : « je ne savais pas que je pouvais être aimé (2) »

(1) Auteur de Mort par sédation. Une nouvelle éthique du « bien mourir ? », éditions érès

(2) Témoignage de S. B., cadre infirmière.

? ? ?   bof BOF bof ! ! !
il y a amour et amour
cf Jean Vanier
pour quand, un nouveau droit digne de mourir dignement avec dignité en dignité
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MessageSujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie   Emmanuel Hirsch, fin de vie - Page 2 Icon_minitime14.09.22 20:45

Fin de vie : « Légiférer sur l’euthanasie n’est pas une urgence politique »
TRIBUNE
Emmanuel Hirsch

Professeur émérite d’éthique médicale

Alors que le chef de l’Etat devait préciser les modalités de la convention citoyenne sur la fin de vie, le professeur émérite d’éthique médicale Emmanuel Hirsch s’interroge, dans une tribune au « Monde », sur l’opportunité de relancer un débat qui divise la société.
Publié hier à 06h15   Temps deLecture 3 min.
Article réservé aux abonnés
Il ne s’agit pas tant de légiférer sur l’euthanasie que de penser ensemble un modèle de société favorable à une vie digne d’être vécue jusqu’à son terme, respectueuse des préférences et des droits de chacun, attentive à éviter les discriminations et donc inspirée des valeurs de notre démocratie. Notre vigilance concerne tout d’abord ceux que nous abandonnons en pleine vie et qui parfois revendiquent le droit à la mort, faute d’être reconnus dans la plénitude de leurs droits à la vie.

Convient-il de déterminer des critères de priorisation entre personnes justifiant ou non d’un dispositif légalisé de mort médicalisée, cette déprogrammation du droit de vivre, au motif que nous n’acceptons plus de leur reconnaître une place parmi nous ?

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Fin de vie : les principales associations participeront à la future convention citoyenne
Y avait-il opportunité et urgence à faire aujourd’hui de l’euthanasie l’objet d’un débat, au moment où tant d’autres enjeux décisifs imposent leur agenda dans un contexte d’incertitude et de fragilisation de notre démocratie ? Est-ce ainsi que nous pourrons nous rassembler et nous renforcer pour raviver les principes du vivre-ensemble, notre bien commun et refonder notre République ?

Dissimuler le meurtre sous des arguments médicaux
Faut-il désormais légaliser l’euthanasie – l’acte de mort sous forme d’injection létale exécuté par un médecin – et estimer que nous serons alors parvenus au terme d’un parcours législatif ? Notre confrontation personnelle à la mort sera-t-elle enfin apaisée et digne des valeurs de notre démocratie ? Pourrons-nous affirmer que nous aurons instauré une méthode du « bien mourir » là où les conditions du « mal mourir » hantaient notre conscience collective, sans avoir la lucidité de reconnaître que, face à la maladie grave ou à un handicap qui altère l’autonomie, c’est le sentiment de « mort sociale » qui incite bien souvent à préférer anticiper la mort plutôt qu’à poursuivre une vie ou une survie indigne d’être vécue ?

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Fin de vie : « Si l’on appliquait la loi avant de chercher à la modifier ? »
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MessageSujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie   Emmanuel Hirsch, fin de vie - Page 2 Icon_minitime15.09.22 14:56

Emmanuel Hirsch, un homme à la double personnalité qui se complaît dans ses pensées ???
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MessageSujet: Re: Emmanuel Hirsch, fin de vie   Emmanuel Hirsch, fin de vie - Page 2 Icon_minitime29.01.24 23:12

La question de l’aide active à mourir figurera au centre des débats sur le futur texte de loi sur la fin de vie. Shutterstock / David Gyung
Fin de vie : pourquoi le « droit de provoquer délibérément la mort » bouleverserait l’éthique médicale et la relation de soin ?
Publié: 28 janvier 2024, 17:07 CET
auteur
Emmanuel Hirsch
Professeur d'éthique médicale, Université Paris-Saclay

Déclaration d’intérêts
Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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En ce début de 2024, les contours ainsi que les règles d’application d’une législation favorable à l’aide à mourir semblent se préciser, en dépit d’un exercice politique difficile à décrypter. Le président de la République Emmanuel Macron devrait annoncer sa position définitive en février. Dans un premier temps, il semble acquis qu’elle concernera les soins palliatifs.

L’arbitrage législatif qui suivra le projet de loi sera notamment consacré aux conditions d’encadrement du caractère « exceptionnel » de l’aide à mourir ainsi qu’à ses conséquences sur la déontologie des pratiques soignantes.

J’évoquerai tout d’abord l’émergence du concept d’exception d’euthanasie il y a 24 ans (car la distinction entre suicide médicalement assisté et euthanasie semble l’un des points de tension éthique dont il sera débattu), avant d’anticiper l’impact d’une médecine du faire mourir dans la rédaction du prochain code de déontologie médicale.

« Une sorte d’exception d’euthanasie »
Rappelons que l’euthanasie est un acte ayant pour intention d’interrompre volontairement et médicalement une vie. Elle se distingue du suicide, voire du suicide « médicalement assisté », en ce que l’intervention directe du médecin provoque la mort.

Dans son avis du 27 janvier 2000 intitulé « Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie », le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) indiquait que l’euthanasie « consiste en l’acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne dans l’intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable. »

Il me semble utile d’en reprendre ici quelques extraits, car cet avis préfigure le cadre législatif qui pourrait être proposé en 2024, au même titre que l’avis du 13 septembre 2022 « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité ».

Lors de la publication du texte en 2000, le CCNE anticipait avec clairvoyance les risques d’une contractualisation de la relation de soin qui intégrerait le droit de disposer des compétences du soignant pour exécuter une demande de mort (ce à quoi s’opposent plusieurs sociétés savantes de professionnels de santé) :

« Le Comité renonce à considérer comme un droit dont on pourrait se prévaloir la possibilité d’exiger d’un tiers qu’il mette fin à une vie. La valeur de l’interdit du meurtre demeure fondatrice, de même que l’appel à tout mettre en œuvre pour améliorer la qualité de la vie des individus. Par ailleurs, la perspective qui ne verrait dans la société qu’une addition de contrats individuels se révèle trop courte, notamment en matière de soins, là où le soignant ne serait plus considéré que comme un prestataire de services. […] »

L’avis n° 63 s’avère pertinent lorsqu’il aborde les conditions d’une dépénalisation de l’euthanasie avant l’examen d’une juridiction au cas par cas. En cela, il se refuse à toute légalisation de l’aide à mourir ainsi qu’au seul recours à une procédure collégiale étayant la décision d’un médecin :

« Sur le plan du droit, ces constatations ne devraient pas conduire pour autant à la dépénalisation et les textes d’incrimination du Code pénal ne devraient pas subir de modification. Les juridictions, chargées de les appliquer, devraient recevoir les moyens de formuler leurs décisions sans avoir à user de subterfuges juridiques faute de trouver dans les textes les instruments techniques nécessaires pour asseoir leurs jugements ou leurs arrêts. La procédure pénale pourrait offrir des solutions dont il n’appartient toutefois pas au CCNE de définir les modalités. Tout au plus peut-il tenter de formuler l’une ou l’autre suggestion de nature à contribuer à la réflexion. L’acte d’euthanasie devrait continuer à être soumis à l’autorité judiciaire. Mais un examen particulier devrait lui être réservé s’il était présenté comme tel par son auteur. »

C’est pour se conformer à de tels principes que le CCNE avance le concept « d’exception d’euthanasie ». Il suscite aujourd’hui encore des débats contradictoires. En effet, comment caractériser la nature d’une « circonstance exceptionnelle » dès lors que chaque fin de vie est en soi singulière ? Le risque n’est-il pas de qualifier ou de disqualifier les circonstances de maladies spécifiques qui apparaîtraient plus insupportables, voire indignes d’être vécues, que d’autres ?

Le CCNE évoque alors 3 « mobiles » susceptibles de justifier l’acte létal :

« Une sorte d’exception d’euthanasie, qui pourrait être prévue par la loi, permettrait d’apprécier tant les circonstances exceptionnelles pouvant conduire à des arrêts de vie que les conditions de leur réalisation. Elle devrait faire l’objet d’un examen en début d’instruction ou de débats par une commission interdisciplinaire chargée d’apprécier le bien fondé des prétentions des intéressés au regard non pas de la culpabilité en fait et en droit, mais des mobiles qui les ont animés : souci d’abréger des souffrances, respect d’une demande formulée par le patient, compassion face à l’inéluctable. Le juge resterait bien entendu maître de la décision. »

Observons que dans sa résolution « Fin de vie, “assistance à mourir” » du 8 février 2013, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a intégré à sa réflexion déontologique les « situations cliniques exceptionnelles », tenant compte de manière implicite des préconisations du CCNE en 2000.

Le CNOM y apporte cependant quelques précisions :

« Sur des requêtes persistantes, lucides et réitérées de la personne, atteinte d’une affection pour laquelle les soins curatifs sont devenus inopérants et les soins palliatifs instaurés, une décision médicale légitime doit être prise devant des situations cliniques exceptionnelles, sous réserve qu’elles soient identifiées comme telles, non pas par un seul praticien, mais par une formation collégiale. »

Plutôt que de proposer l’euthanasie comme finalité explicite de la décision médicale et mentionnant, comme dans l’avis n° 63 du CCNE, le recours à « une commission interdisciplinaire » sous forme de « collège », le CNOM propose :

« une sédation, adaptée, profonde et terminale délivrée dans le respect de la dignité pourrait être envisagée, par devoir d’humanité, par un collège dont il conviendrait de fixer la composition et les modalités de saisine. Ce collège fonderait son avis sur l’évaluation de la situation médicale du patient, sur le caractère réitéré et autonome de sa demande, sur l’absence de toute entrave à sa liberté dans l’expression de cette demande. »

La position de l’Académie nationale de médecine
Quelques jours après la publication de cette résolution du CNOM, le 26 février 2013, L’Académie nationale de médecine prenait position, dans un communiqué, contre ce recours à la une « sédation, adaptée, profonde et terminale » assimilable à un « arrêt de vie », donc à une euthanasie. L’Académie rappelait sa volonté de « distinguer clairement “fin de vie” et “arrêt de vie” et [de] souligner que le terme “fin de vie” lui-même recouvre des situations bien distinctes ».

Selon cette instance, la loi Leonetti et les textes réglementaires qui l’accompagnent permettaient aux médecins « de répondre aux situations difficiles de fin de vie – en dépit de leur complexité ».

Dans un communiqué, l’Académie soulignait que

« “l’arrêt de vie” (aide à mourir en réponse à une demande volontaire à mourir, alors que la vie en elle-même n’est ni irrémédiablement parvenue à son terme, ni immédiatement menacée) ne peut être assimilé à un acte médical. Au-delà de l’aspect sémantique, l’Académie de médecine invite à la rigueur dans l’emploi des mots et des formules, tout écart en ce domaine étant susceptible d’interprétations tendancieuses, au risque de dénaturer les termes d’une loi toujours en vigueur et qu’elle entend défendre. »

Dix ans plus tard, en 2023, les membres de l’Académie nationale de médecine préconiseront de « ne pas effacer les textes fondateurs par une loi nouvelle, mais reconnaître les situations de souffrance insoutenables et inhumaines qui n’entrent pas dans le champ de ces textes ». Des situations qui seraient donc de nature à être prises en compte si la législation évoluait.

L’enjeu actuel sera de tenter d’établir une définition rigoureuse de ce qui sera considéré comme une situation exceptionnelle pour justifier une aide à mourir, sans donner à penser que des « critères de minutie » établis à cet égard seraient de nature à se substituer à une approche au cas par cas, concertée et responsable.

Quel serait l’impact d’un « droit de provoquer délibérément la mort » ?
En pratique quelles seraient les conséquences d’une évolution législative sur la déontologie médicale, sur l’engagement et la relation dans l’accompagnement et le soin ?

Pour étayer cette anticipation, je me référerai au seul document officiel accessible en ce début 2024 : le projet de loi du 6 octobre 2023 relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie.

Ses rédacteurs affirment dans son article 11, qui « définit l’aide à mourir » que

« L’aide à mourir s’inscrit dans la continuité des droits des patients énoncés à l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, qui dispose que : “Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté.”, sans être elle-même qualifiée de droit. Cette aide ouvre à la personne en fin de vie la possibilité de bénéficier de l’administration d’une substance létale. L’administration de cette substance est par principe réalisée par la personne elle-même. »

Dans un premier temps, l’article concernerait le suicide médicalement assisté. Précisons cependant que l’article L. 1110-5 a été revu à la suite du vote de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Sa signification en est détournée dès lors que le texte est tronqué dans l’interprétation qui en est tirée.

En effet, l’article L. 1110-5-3 n’évoque en rien une « aide » assimilée à « l’administration d’une substance létale » :

« Toute personne a le droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance. Celle-ci doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée. Le médecin met en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale, même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie. […] »

Or, en quelques lignes, levant tout obstacle à une interprétation extensive d’un texte qui n’a pas été rédigé à cette fin, les auteurs du projet de loi du 6 octobre 2023 en concluent (second temps de leurs projet) – toujours dans l’article 11 – que

« le texte introduit une exception d’euthanasie sans la nommer : si la personne est en incapacité physique de s’autoadministrer la substance létale, un tiers peut la lui administrer ».

Il s’agit bien d’une légitimation de la notion « d’exception d’euthanasie » qui pensée, façonnée et en quelque sorte validée par les instances d’éthique ou de déontologie à travers un travail d’élaboration depuis 2000, ne peut pas aujourd’hui leur permettre d’émettre à son égard la moindre réserve, et ce même si elles estimaient que l’on a accordé une interprétation extensive à des positions exprimées avec nuance et prudence.

Dans l’hypothèse de l’évolution disruptive que provoquerait dans le champ de l’éthique médicale la légalisation de l’aide à mourir, l’article R. 4127-38 du code de la santé publique devrait être alors modifié, abolissant l’un des principes cardinaux de la déontologie médicale : « le (médecin) n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort. »

Si la loi devait évoluer en ce sens, l’article 38 du code de déontologie, repris dans le code de la santé publique, devrait subir une modification sur un autre point, puisqu’il faudrait préciser que « le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, ainsi que les conditions de l’aide à mourir et réconforter son entourage. »

La nouvelle version de l’article R. 4127-38 du code de la santé publique confronterait les soignants à des dilemmes éthiques de nature à fragiliser leurs positions dans les circonstances les plus délicates. Ce dont témoignent des organisations de professionnels de santé, lorsqu’elles déclarent qu’« il est légitime que tout individu puisse exprimer son souhait de mourir, mais il est impératif que le dialogue qui doit alors s’engager ne soit pas faussé par le fait que celui qui entend ce cri de souffrance disposerait du droit de vie ou de mort, de la possibilité de dire oui ou non. »

Qu’en sera-t-il des critères de justification et de distinction permettant de circonscrire les limites entre « les soins et mesures appropriés à la qualité d’une vie qui prend fin » et l’aide à mourir ? In fine, sera-t-on encore fondé à se préoccuper de tels enjeux, dès lors que la loi fixera des normes et instituera des pratiques compatibles avec l’acceptabilité éthique du protocole de la mort donnée ?

L’article R.4127-37 du code de la santé publique devrait lui aussi, être révisé. Rappelons que ce texte dispose que :

« En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l’assister moralement. Il doit s’abstenir de toute obstination déraisonnable et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. »

Or, dès lors que la souffrance est l’un des arguments susceptibles d’être invoqués pour justifier l’aide active à mourir, l’option devra être explicitement énoncée dans cet article. « Soulager les souffrances du malade » pourra en effet s’envisager jusque dans l’acte qui met un terme à ses souffrances.

Lorsque l’assistance médicale peut alternativement relever d’une médecine de l’accompagnement ou d’une médecine de la mort donnée, il semble délicat de fixer des lignes de conduite. Ce que la fin d’une vie a d’humain, d’exceptionnel et de singulier peut-il être reconnu et respecté dans une législation relative à l’aide à mourir forcément normative ?

À l’épreuve du renoncement à un principe cardinal de l’éthique médicale, qu’en sera-t-il demain de la déontologie et de la relation de confiance essentielle à l’humanisme du soin ?

Ces questions se posent aujourd’hui en des termes politiques qui ne peuvent s’exonérer d’une exigence éthique. Elles semblent mériter mieux que ce dont témoigne la version provisoire du projet de loi du 6 octobre 2023 relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, ainsi qu’une considération sociale à l’égard de la personne vulnérable dans la maladie où ne prévalent pas les seules conditions de son aide à mourir.
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Emmanuel Hirsch : « Soigner par la mort n’est pas un soin »

Alors que le président de la République a dessiné les contours de la loi sur la fin de vie, Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale, nous en explique les enjeux humains et politiques.

Interview [size=16]Olivia Elkaim
Publié le 12/03/2024 à 11h21, mis à jour le 12/03/2024 à 13h59 • Lecture 4 min.

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[size=12][size=16]Je m'abonne à partir de 1€ | sans engagement

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Une chambre de soins palliatifs à l’hôpital privé du Grand Narbonne, à Montredon-des-Corbières, dans l’Aude. • IDRISS BIGOU-GILLES / HANS LUCAS
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Emmanuel Hirsch vient de publier [size=20]Soigner par la mort est-il encore un soin ? (Cerf). Il est professeur émérite d’éthique médicale à l’université Paris-Saclay.
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Que penser de la terminologie utilisée par le Président, soit « aide à mourir » et pas « euthanasie » ou « suicide assisté » ?


Il n’est pas respectueux de recourir aux subterfuges d’euphémismes concernant des enjeux humains intimes et complexes. À moins de dissimuler ce qui effectivement suscite les controverses, c’est-à-dire que l’évolution législative favorisera l’accès conditionné au suicide dit assisté et à l’euthanasie. Assister la personne afin de lui permettre de vivre parmi nous les temps ultimes de son existence, c’est lui témoigner une présence, la prémunir de toute forme de souffrance. Ce n’est en rien abréger sa vie par un acte intentionnellement létal.
A lire aussi : Au secours

Même si ce projet de loi veut paraître équilibré sur le fond, il brise le tabou de donner la mort dans le cadre d’un soin. Quel est le risque dans les prochaines années ? Qu’on aille plus loin pour répondre à la pression des associations pro-euthanasie, par exemple ?


Il n’est pas possible d’affirmer que cette évolution législative ne produira pas une rupture profonde dans ce qu’est l’éthique de l’engagement soignant. Confondre l’accompagnement dans le cadre d’une approche humaniste palliative avec l’aide médicale active à mourir, c’est provoquer une confusion là où la transparence et la loyauté s’imposent. Il est par ailleurs surprenant que le président de la République développe ses propres conceptions de nos devoirs auprès de la personne qui va mourir sans assortir son intervention de la présentation du projet de loi. Nous en sommes encore au stade de ses commentaires qui interviennent quelques jours après l’évocation de figures emblématiques des libertés individuelles et de reconnaissance de nouveaux droits : Simone Veil et Robert Badinter. Comme s’il était stratégique de s’inscrire dans cette filiation.

Quelle était selon vous l’urgence politique à trancher sur l’aide à mourir ?


La véritable urgence politique serait de consacrer notre idéal de fraternité en s’engageant auprès de ceux qui sollicitent notre aide active à vivre. Le parcours dans la maladie est jalonné d’obstacles, notamment dans l’accès à des soins et à un accompagnement digne dans un contexte de précarisation de notre système de santé. Le temps de la maladie chronique, du handicap ou de la vieillesse est bien souvent vécu comme une relégation, une forme de mort sociale dont témoignaient encore il y a quelques jours les Petits Frères des pauvres. Que l’on envisage, en quelque sorte par défaut, l’instauration à titre exceptionnel de l’intervention à finalité létale d’un médecin, ne devait être envisageable que si tous les recours pour atténuer les souffrances ont été sollicités. Dès lors, comment admettre que le projet de loi soit proposé au Parlement avant que l’accès aux soins palliatifs soit reconnu comme un droit effectif ?
A lire aussi : Cinquante ans d'épopée de soins palliatifs

Que pensez-vous de l’usage du mot « fraternité » dans le cadre de l’aide à mourir ?


Je pense que personne ne détient le monopole de déterminer ce qui relève ou non de l’expression de notre fraternité auprès de celui ou de celle qui va mourir. Chacun se forge une idée de l’engagement fraternel précisément en se confrontant à ce qui interpelle nos valeurs d’humanité. De ce point de vue, la philosophie développée depuis les années 1980 par le mouvement des soins palliatifs me semble incarner ce qui relève d’une relation fraternelle, qui diffère d’une approche compassionnelle favorable à l’aide active à mourir. Que l’on comprenne bien mon propos. Je refuse qu’au nom d’une idéologie ou d’une conception humaniste, on préempte des concepts comme la fraternité, la dignité, la liberté, la solidarité. Les circonstances nécessitent mieux que des expressions détournées par certains de leur signification morale.

Le Président veut une « loi de rassemblement », mais un consensus sociétal est-il envisageable ?


Je ne suis pas certain que les compromis successifs négociés de loi en loi soient l’indice d’un renforcement de notre cohésion autour de valeurs communes d’engagements auprès des personnes atteintes d’une maladie incurable. Il me semble plus évident que le président de la République vise à honorer un engagement politique plutôt qu’à nous rassembler. Il sera intéressant de suivre le parcours législatif du projet de loi qui, a priori, divise et oppose déjà plus qu’il ne fédère.

Accorder la mort, est-ce que cela peut être considéré comme le dernier acte d’un soin ?


Que l’on considère que le professionnel de santé puisse à la fois être acteur du soin jusqu’à la mort et provocateur intentionnel de la mort interroge l’acte soignant même, sa déontologie. Le dernier acte d’un soin est un soin. Soigner par la mort n’en est pas un. Que certains médecins considèrent leur engagement jusque dans la responsabilité à consentir à abréger la vie d’une personne à sa demande, justifie, me semble-t-il, que des règles soient posées, tant les équivoques risquent d’être préjudiciables à l’intérêt de la personne malade, par nature en situation de vulnérabilité. La loi a pour fonction d’être protectrice des intérêts et d’être garante du bien commun, des valeurs de notre démocratie. Je ne suis pas certain à cette heure que ce que le président de la République a esquissé des fondements de son projet de loi préserve en tout point cette exigence.
A lire aussi : Fin de vie : « Faire croire qu’il y a un continuum entre soins palliatifs et le suicide assisté est une erreur »

Dans l’histoire nous avons eu l’exemple d’une loi équilibrée au départ mais dont le législateur a peu à peu repoussé les limites avec les textes sur l’IVG. Une fois qu’une évolution est acceptée, est-ce une porte ouverte à d’autres évolutions qui au départ semblaient inacceptables ?


Depuis 1999, nous en serons à notre cinquième évolution législative relative à la fin de vie. Je pense qu’il sera difficile d’aller plus loin que le suicide assisté et l’euthanasie. Il est évident que si l’État s’était consacré avec rigueur à mettre en œuvre les dispositions législatives, notamment avec la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie de 2005 (loi Leonetti) nous aurions développé un « modèle français ». Force est de reconnaître qu’à la différence des pays qui nous ont précédé, ce qui nous est proposé est une loi confuse, d’une application complexe du fait d’enjeux contradictoires. Elle n’aura pour seul mérite que de répondre aux choix du président de la République. Le contexte dans lequel intervient la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse n’a rien à voir avec celui d’une législation portant sur l’aide à mourir. Il s’agissait à l’époque de reconnaître à la femme le droit de ne pas mourir des conséquences d’un avortement clandestin, et d’exercer une maîtrise sur son corps sans risquer l’interruption de sa vie.
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qu'avez-vous fait au sujet de la suppression de certaines molécules ? rien, rien, rien..
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