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 Foi ou Croyance

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MessageSujet: Foi ou Croyance   Foi ou Croyance Icon_minitime18.01.11 23:16

Maurice Bellet
« La croyance ne supporte pas la critique, alors que la foi ne peut que la désirer »
Son discours rappelle les belles années où Barthes, Foucault, Lacan, Ricœur n'étaient pas encore morts. Une pensée en escalier qui ne laisse pas tranquille, qui questionne, qui dérange, qui fait sens et sonne si juste au cœur d'un quotidien bien souvent banal. Que Maurice Bellet soit prêtre n'est pas la question, puisqu'il ne se laisse pas définir, enfermer dans un rôle ou une posture. Il se méfie des mots tiroirs (la « justice », « Dieu », la « foi »), car dès que l'on touche aux choses proprement humaines, lui qui a fait une psychanalyse l'a compris, on ne sait plus ce que les mots veulent dire. Voilà donc un homme qui, pour éviter les malentendus, prend la parole au sérieux. Philosophe, enseignant, il est l'auteur d'une cinquantaine de livres et accompagne des gens « dans une relation d'écoute ». « Au cœur de beaucoup de détresses sinon de toutes, dit-il, il y a une faute d'exister. » La faute d'être là sans pouvoir s'en justifier. Sa foi « critique » (il y tient plus que tout) est portée par l'Évangile qui n'est pas, à ses yeux, une référence appartenant au passé, mais une parole où se donne une présence.
Comment décririez-vous le fait d'être chrétien ?
Lorsqu'un chrétien se pose des questions, il commence par examiner l'institution, l'Église, la catéchèse. Il s'interroge ensuite sur la foi : « Puis-je croire que Jésus-Christ nous sauve ? », c'est déjà beaucoup plus radical. Et puis, il y a une troisième étape : « Comment l'homme peut-il se supporter d'exister ? L'existence a-t-elle un sens ? » Là, je crois, est le lieu de l'Évangile, car c'est par rapport à cette question que l'écoute des paroles du Christ prend toute sa signification.
Vous dites par ailleurs que le malheur de l'Église, du monde chrétien au cours des temps modernes, est d'avoir confondu croyance et foi et de s'être ainsi renfermée, refusant toute critique de l'intérieur...
Tout à fait. Il existe une opposition capitale entre la foi et la croyance. Ce qui est le plus éloigné de la foi au sens évangélique, c'est la croyance au sens banal, qui ne supporte pas la critique, alors que la foi ne peut que la désirer. Il n'y a déjà pas de critique plus dure que celle qui s'opère dans une krisis, où ce par quoi l'homme tient debout (et que la religion appelle Dieu) est mis à mort. La parole de Jésus est continuellement une critique de la religion. Il n'oppose pas la vraie religion à la fausse, il habite la tradition juive et c'est dans cette tradition qu'il fait la vérité de la vérité : quand cette dernière se défait de tout ce qui peut l'encombrer, la fausser ou la pervertir.
Vous avez mis votre foi à l'épreuve de la philosophie et de la psychanalyse. Avec quels résultats ?
Je me suis formé grâce à la friction entre une foi qui paraissait tenir à la racine de l'existence, la philosophie et la psychanalyse. Ceci m'a obligé à reprendre mon engagement autrement, à vouloir que la parole évangélique puisse habiter le lieu philosophique et celui qui se découvrait par la psychanalyse. Au lieu d'être enclos dans quelque chose qui lui est propre, le religieux, le théologique s'est ainsi mis en rapport avec la philosophie et la psychanalyse. Cela désigne un espace tout à fait vertigineux, au point que l'on peut avoir le sentiment qu'il y a un manque à cet endroit-là de notre culture. Pourquoi vertigineux ? Il y a la critique absolue dont nous disions qu'elle est au cœur de l'Évangile. Il y a la critique philosophique qui est implacable si on ne la réduit pas : tout doit être passé au creuset d'un questionnement qui remonte toujours en amont de lui-même, la question creusant la question. Enfin, la psychanalyse est tout aussi implacable. Elle s'introduit comme un coin à l'intérieur de paroles qui paraissent transparentes. Elle a rouvert ce que la méthode cartésienne avait écarté, refoulé : le sale, les pulsions, le trouble, l'incontrôlable. Si l'on met les trois ensemble, avec la radicalité la plus grande, la déflagration produit une sorte de big bang, où la foi est vraiment une instance critique radicale. Ainsi, je souhaite passer le reste de ma vie à faire quelque chose de ce big bang. Un peu à la manière des pythagoriciens. Pour eux, ce qui caractérisait le divin dans le nombre, c'était la mesure. Et voilà qu'ils découvrent PI = 3,1416 jusqu'à l'infini. Il parait que certains d'entre eux se sont tués, c'était la fin du monde. Or il y en a eu d'autres qui se sont dit, c'est impossible mais continuons.
Est-ce dans cette démarche que vous écrivez ?
J'écris pour essayer de voir clair. Mon dernier livre, comme les précédents, ne se veut ni scientifique ni doctrinal. Je me sais vulnérable. Ce que j'ai risqué, c'est d'écrire un peu à la façon dont un analyste parle dans une analyse. Il fait une intervention dans le flux qui est en train de s'écouler et dont le sens est d'offrir au patient une possibilité d'aller plus loin. Cela est très proche de la religion, non pas celle que l'on réduirait à des choses religieuses, mais celle qui touche au fond de l'homme et à la possibilité pour l'être humain de ne pas être dévoré par la violence absolue.
Qu'entendez-vous par le terme de « violence absolue », qui est le sujet de votre livre ?
La violence absolue est un pouvoir qui se présente comme travaillant au bien de l'homme, qui peut même tenir des discours que l'on ne peut que ratifier, alors même qu'il opère à sa destruction. Prenons l'exemple d'un enfant dont la mère est gravement névrosée, insupportable, contre laquelle il se révolte et à qui l'on enseigne qu'il est bon d'aimer son prochain et que, par conséquent, il doit obéir à sa mère comme au bon Dieu. Si on lui inocule cela à 5 ans, lorsqu'il sera grand, il aura tendance à vomir Dieu. C'est une forme (encore bénigne) de violence absolue, qui se présente comme justifiée au nom de ce qu'on ne peut pas ébranler. La violence absolue des nazis envers les Allemands fut de leur dire : « Vous ne pouvez pas critiquer le Führer, ce serait détruire l'Allemagne. » Nous en voyons l'horreur. Mais comment comprendre la violence de l'inquisiteur envers celui qu'il allait brûler et qui pouvait aller jusqu'à lui dire : « Vous menacez la vérité, pour le bien de l'Église et même pour votre bien propre, il faut que l'on vous brûle » ?
Ce qui est effrayant, écrivez-vous, c'est que lorsque la violence absolue est vraiment là, elle est invisible. Le bon inquisiteur est-il un homme pieux et généreux ?
Lorsque la violence absolue est vraiment là, elle est en effet invisible. C'est au point qu'une fois les SA massacrés par Hitler et remplacés par les SS, beaucoup d'Allemands se sont dit : « Enfin, cela en est fini avec ces voyous de SA, voilà des gens disciplinés ! » Dans Les Bienveillantes, Jonathan Littell fait au fur et à mesure passer son personnage principal, un lieutenant SS, pour un fou. Or cela a beaucoup moins d'impact que ce qu'il paraissait être au début de l'ouvrage : un garçon normal. Lorsque parmi ses camarades SS, certains se comportaient de manière sadique au moment de tuer les Juifs, il les blâmait au nom de la morale. C'est cela qui est terrifiant.
Vous expliquez que ce virus de la violence absolue est mutant. C'est-à-dire ?
Nous voyons très bien aujourd'hui quelles formes terrifiantes de violence nous eûmes à endurer au siècle dernier. Mais la question est : sommes-nous guéris aujourd'hui ? Si nous ne sommes pas guéris, c'est la question numéro un. Si, par exemple, on voit arriver des jeunes qui n'ont aucun arrière-pays, qui vivent simplement dans l'actuel, l'immédiat, peut alors apparaître la possibilité d'une humanité qui n'est plus que dans l'immédiat. Et l'immédiat que lui offre la société, c'est une technologie où tout est possible, ce qui est référé à l'autre principe de cette société : tout est permis. Une humanité comme celle-ci est effrayante, parce qu'elle vit sous le règne d'une violence absolue mais qui n'est plus identifiable. La violence absolue pourrait ainsi être de nous voir sombrer dans un fonctionnement purement économique avalant tout, au milieu d'êtres humains complètement décérébrés, déshumanisés. Et si nous ne sommes pas attentifs, une telle situation pourrait nous amener à ce qu'a connu un pays comme l'Allemagne : cultivé, civilisé, christianisé et néanmoins devenu nazi. Dans la violence qui se déchaîne là-dedans, l'aspect bestial est second par rapport à un aspect que je ne sais pas appeler autrement que démoniaque, car il ne s'agit pas d'une brutalité animale mais d'une perversion profonde de l'esprit.
Et c'est au cœur de l'Évangile que l'on peut, selon vous, trouver une réponse à cette violence absolue, aussi contemporaine soit-elle ?
Si l'on est attentif à cette question de la violence absolue, il y a, dans l'espèce de magma culturel où nous sommes, une figure que l'on ne peut pas éviter, c'est celle du Crucifié. Elle est tellement rude qu'elle peut d'abord provoquer le rejet. Pensons que Dieu avait retenu le bras d'Abraham, obligeant l'homme à quitter le sacrifice humain, celui du fils. Avec le Christ, il semble qu'on y retourne. Le lieu du Christ est une espèce de remontée de l'hyper-archaïque : manger la chair, boire le sang, qu'est-ce que c'est que ça ! Cela signifie que le Christ accepte d'être dans les lieux les plus archaïques et d'une brutalité infinie, ceux de la violence absolue. Il accepte d'y être et d'y descendre pour dire : « Même là, ce dont je témoigne survit. » Ce Dieu qui émerge justement dans la parole du Christ et dans sa traversée est celui qui ne cesse de défaire la racine de la violence absolue, de sorte qu'il est possible d'avoir des relations humaines qui ont une défense immunitaire contre ce poison. L'idée de l'Évangile, c'est qu'il y a là quelque chose qui peut tout surmonter, même la mort. Le cœur de la Bible et du christianisme est ainsi de dire : « Quoi qu'il arrive, quelque crime que vous ayez commis, vous êtes fils de Dieu. » On vous doit ce respect et vous pouvez vous l'accordez à vous-même. Cela touche le cœur du christianisme, et c'est la critique absolue contre cette violence absolue qui vous juge implacablement, au nom de ce qu'elle croit être le bien.
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